Albert Demangeon (1872-1940) a occupé une place décisive dans le développement de la géographie humaine française au cours du premier XXe siècle. Au-delà d’une thèse sur la Picardie considérée dès sa publication (1905) comme un modèle de géographie régionale, et de manuels pédagogiques qui expliquent l’écho que suscite parfois son nom auprès du grand public, son œuvre scientifique fut considérable, ses terrains d’investigation diversifiés, ses thèmes de recherche largement ouverts sur l’actualité. Il a puissamment contribué à construire cette géographie humaine « moderne » ou « nouvelle » esquissée autour de son maître Paul Vidal de La Blache (1845-1918), et à la promouvoir à travers les débats intenses qui animaient alors les sciences humaines.
Parmi ses sujets de prédilection figurent la formation des paysages ruraux, les migrations et l’économie mondiale, le déplacement du centre de gravité du monde, la question coloniale, les formes de l’habitat et l’urbanisation…
L’extraordinaire richesse de ses archives – manuscrits, bibliothèque de travail, correspondance, carnets de relevés et de mesures, moisson photographique issue de ses enquêtes « de plein vent » – permet de redécouvrir Demangeon et de lui redonner la place qu’il mérite dans l’histoire de l’école française de géographie. L’exposition invite à croiser les regards sur l’homme et le savant : sur son cursus et son enseignement, sa production éditoriale et la réception de son œuvre, sur ses outils et méthodes de travail, mais aussi sur la position d’un intellectuel qui, interrogeant l’évolution de la scène européenne dans un temps encadré en amont par l’Affaire Dreyfus, et en aval par la montée des totalitarismes et les prodromes de la Seconde Guerre mondiale, ne pouvait ignorer les implications politiques du savoir auquel il contribuait.